La Psychologie prosociale :
Quand la science éclaire nos élans de générosité

entreprise comportements citoyennete organisationnelle

La psychologie prosociale prouve que vos comportements prosociaux représentent 50% du fonctionnement des entreprises performantes.

C’est du leadership invisible.

Imaginez la scène : vous voyez un collègue débordé, submergé par une présentation urgente. Sans qu’on vous le demande, vous lui proposez votre aide.

Ce geste spontané illustre ce que la psychologie prosociale nomme un comportement de citoyenneté organisationnelle.

Pourquoi adoptons-nous ces comportements prosociaux au travail ? Qu’est-ce qui nous pousse à agir pour le bien des autres en entreprise, parfois à nos propres dépens ?

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La prosocialité : bien plus qu’un simple mot savant

Le terme « prosocial » vient du latin pro (« pour ») et socius (« compagnon »). Un comportement prosocial, c’est tout simplement une action qui vise à faire du bien à quelqu’un d’autre

Mais attention : sous cette définition simple se cache une richesse de nuances que les scientifiques débattent encore aujourd’hui : 

– Sommes-nous prosociaux dès lors que nous voulons aider, même si notre aide ne sert finalement à rien ?

 – Ou ne le sommes-nous que lorsque notre action produit effectivement un bénéfice pour autrui ?

Prosocialité ou altruisme ? Une distinction subtile mais essentielle

Si vous pensez que prosocialité et altruisme sont synonymes, vous n’êtes pas seul·e. Beaucoup de personnes utilisent ces termes de façon interchangeable. Pourtant, une nuance importante les distingue.

L’altruisme serait la forme la plus pure de prosocialité : agir uniquement pour le bien d’autrui, sans attendre de récompense, sans rechercher de bénéfice personnel, même indirect. Prier en silence pour la guérison d’un ami malade, par exemple, pourrait être considéré comme altruiste selon certains chercheurs.

La prosocialité, elle, englobe un spectre bien plus large : tous les comportements bénéfiques pour autrui, qu’ils soient motivés par la pure bonté, par l’intérêt personnel, ou par un mélange des deux. Aider un collègue pour améliorer l’ambiance d’équipe (et donc son propre confort au travail) reste un comportement prosocial, même s’il n’est pas purement altruiste.

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Trois façons de comprendre la prosocialité

Les scientifiques ont identifié trois grandes perspectives pour comprendre ce qui rend un comportement prosocial.

1. L’intention compte-t-elle plus que le résultat ?

La perspective intentionnaliste considère que c’est l’intention qui prime. Si vous voulez sincèrement aider quelqu’un, votre comportement est prosocial, même si votre aide s’avère finalement inutile ou contre-productive.

La perspective conséquentialiste, à l’inverse, juge l’arbre à ses fruits. Seul le résultat compte : avez-vous effectivement amélioré la situation d’autrui ? Si oui, c’est prosocial. Sinon, non.

2. Le coût de la générosité

Certains chercheurs estiment qu’un « vrai » comportement prosocial doit vous coûter quelque chose : du temps, de l’argent, de l’énergie. Prêter votre voiture à un ami dans le besoin, rester tard pour aider un collègue, donner à une association caritative… autant d’actes qui vous privent de ressources.

Cette notion de coût est particulièrement importante en milieu professionnel, où les comportements prosociaux peuvent entrer en conflit avec les objectifs de performance individuelle.

3. L’approbation sociale

Une troisième perspective, plus sociologique, considère qu’un comportement est prosocial s’il est valorisé par la société ou le groupe. Cette définition soulève des questions fascinantes : ce qui est considéré comme prosocial peut-il varier d’une culture à l’autre ? D’une époque à l’autre ? Assurément.

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Les comportements prosociaux en entreprise : définition et impact

Dans le monde professionnel, la prosocialité prend des formes spécifiques que les chercheurs regroupent sous le terme de « comportements de citoyenneté organisationnelle » (ou OCB, pour Organizational Citizenship Behaviors). 

Les petits gestes qui changent tout

Ces comportements sont définis comme discrétionnaires — c’est-à-dire non obligatoires, non inscrits dans votre fiche de poste — et pourtant essentiels au bon fonctionnement d’une organisation. 

Concrètement, il s’agit de :

Envers les personnes :

  • Aider spontanément un collègue en difficulté
  • Partager ses connaissances et son expertise
  • Réconforter quelqu’un qui traverse une période difficile
  • Féliciter et encourager le travail des autres
  • Faire preuve de courtoisie et d’écoute

Envers l’organisation :

  • Défendre l’image de son entreprise à l’extérieur
  • Respecter scrupuleusement les procédures, même sans surveillance
  • S’investir au-delà de ses obligations contractuelles
  • Participer activement à la vie de l’entreprise
  • Ne pas se plaindre face aux inévitables contrariétés

Un constat surprenant

Voici un chiffre qui donne à réfléchir : dans les entreprises les plus performantes, ces comportements « hors contrat » représenteraient jusqu’à 50% du fonctionnement effectif de l’organisation. 

Autrement dit, sans ces innombrables gestes de bonne volonté, de coopération spontanée et d’entraide quotidienne, même l’entreprise la mieux structurée perdrait considérablement en efficacité.

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Ce qui favorise (ou freine) la prosocialité

Les ingrédients organisationnels

Les recherches ont identifié plusieurs facteurs qui nourrissent les comportements prosociaux en entreprise : 

La justice : Quand les employés perçoivent que les décisions sont prises équitablement, que les contributions de chacun sont reconnues à leur juste valeur, et que le traitement interpersonnel est respectueux, ils sont naturellement plus enclins à « rendre » par des comportements prosociaux.

Le soutien organisationnel : Lorsque l’entreprise prend soin de ses collaborateurs, ceux-ci le lui rendent spontanément. C’est le principe de réciprocité à l’œuvre.

L’engagement : Plus on se sent émotionnellement lié à son organisation et à son équipe, plus on adopte naturellement des comportements citoyens.

Les ressorts individuels

Au niveau personnel, trois éléments se révèlent particulièrement déterminants.

L’empathie : Cette capacité à ressentir et comprendre les émotions d’autrui est le carburant des comportements prosociaux. Les personnes naturellement empathiques aident plus spontanément.

Les affects positifs : Quand on se sent bien, on a davantage envie d’aider les autres. La satisfaction au travail génère un cercle vertueux de prosocialité.

La personnalité : Certains traits, comme l’agréabilité et l’honnêteté-humilité, prédisposent aux comportements prosociaux. Mais attention : ces traits sont loin d’être immuables et peuvent être cultivés.

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Les bénéfices insoupçonnés de la gentillesse

Pour soi-même

Contrairement à l’idée reçue selon laquelle « trop de gentillesse mène à l’épuisement », les recherches montrent que les comportements prosociaux : 

  • Augmentent l’estime de soi et la confiance en soi
  • Améliorent le bien-être psychologique
  • Réduisent le stress
  • Préviennent le burnout

(⚠️ à condition de rester dans des limites raisonnables, de savoir dire non, et d’apprendre à se protéger des tentatives de manipulation.)

Pour l’organisation

Les entreprises où fleurissent les comportements prosociaux bénéficient de :

  • Une meilleure performance collective
  • Moins d’absentéisme et de turnover
  • Un climat de travail plus sain
  • Une attractivité accrue pour recruter les talents

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Comment développer les comportements prosociaux au travail

Si les bénéfices de la prosocialité sont scientifiquement démontrés, reste une question importante : comment faire reconnaître ces contributions qui, par nature, échappent aux indicateurs de performance traditionnels ?

C’est là qu’intervient un paradoxe fascinant : vos comportements prosociaux sont précieux précisément parce qu’ils sont spontanés et désintéressés. Mais cette spontanéité même les rend invisibles dans le dialogue professionnel.

La solution n’est pas de transformer votre gentillesse en monnaie d’échange, mais de lui donner un langage qui permette à votre environnement de la reconnaître.

La cartographie de votre valeur invisible

Principe : Rendre visible votre contribution prosociale pour la structurer, la préserver et la faire reconnaître.

Pourquoi cet outil : Ce que vous ne nommez pas n’existe pas dans le dialogue professionnel. Vos comportements prosociaux sont votre signature de leadership. Encore faut-il pouvoir les articuler.

Étape 1 : Identifiez vos contributions prosociales

Prenez une feuille. Tracez deux colonnes.

Colonne 1 : Prosocialité relationnelle

Listez vos actions tournées vers les personnes :

  • Qui avez-vous aidé cette semaine sans qu’on vous le demande ?
  • Quelles informations clés avez-vous partagées spontanément ?
  • Qui avez-vous encouragé, rassuré, défendu ?
  • Quels conflits avez-vous désamorcés discrètement ?

Colonne 2 : Prosocialité organisationnelle

Listez vos actions bénéfiques pour le collectif :

  • Quelles procédures avez-vous respectées scrupuleusement même sans contrôle ?
  • Quels projets avez-vous défendus publiquement ?
  • Dans quelles situations avez-vous fait preuve de « sportivité » (rester positif malgré les difficultés) ?
  • Comment avez-vous contribué à l’amélioration continue de votre périmètre ?

Étape 2 : Calculez votre investissement invisible

Pour chaque action, estimez le temps consacré. Puis faites le total hebdomadaire.

Exemple concret :

  • Former un junior : 2h
  • Désamorcer une tension d’équipe : 30 min
  • Partager une veille sectorielle : 45 min
  • Encourager un collègue découragé : 20 min
  • Total : 3h35 par semaine = 14% de votre temps de travail

Ce chiffre n’est pas une perte. C’est votre investissement dans le capital social de votre organisation.

Étape 3 : Traduisez en impact mesurable

Transformez vos comportements prosociaux en contribution stratégique :

❌ « J’aide souvent mes collègues »
✅ « J’ai accompagné 3 collaborateurs sur leur montée en compétences cette année, ce qui a permis de réduire les délais projet de 15% »

❌ « Je partage beaucoup d’informations »
✅ « J’assure une veille sectorielle hebdomadaire qui alimente la réflexion stratégique de l’équipe »

❌ « Je suis quelqu’un de positif »
✅ « Je contribue activement au climat de coopération qui fait que notre équipe a le plus faible taux de turnover du département »

La nuance est essentielle : Vous ne transformez pas votre gentillesse en monnaie d’échange. Vous lui donnez simplement le langage qui permet à votre environnement de la reconnaître.

Quand utiliser cet outil ?

Cette cartographie trouve sa pertinence dans plusieurs situations professionnelles :

Lors d’un entretien annuel : Pour articuler clairement votre contribution au-delà de vos objectifs chiffrés

Dans une négociation salariale : Pour objectiver votre valeur ajoutée au fonctionnement collectif

Face à un sentiment de non-reconnaissance : Pour vérifier si le problème vient d’un manque de visibilité de votre part ou d’un environnement réellement sourd à ces contributions

Pour poser des limites saines : Lorsque vous prenez conscience de l’ampleur de votre investissement invisible, vous pouvez mieux réguler votre énergie prosociale

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Une mise en garde nécessaire

La prosocialité n’est pas une panacée universelle. Les chercheurs nous mettent en garde contre plusieurs écueils : 

Le flou conceptuel : Parler de « comportements prosociaux » sans définir précisément ce qu’on entend peut conduire à des malentendus et à des comparaisons bancales. Définissez dans quel cadre la prosocialité est à l’oeuvre dans votre organisation.

La généralisation abusive : Toutes les formes de prosocialité ne se valent pas. Aider spontanément un collègue et participer à un programme de bénévolat d’entreprise peuvent relever de mécanismes psychologiques très différents.

Le paradoxe de l’instrumentalisation : Peut-on vraiment « développer » des comportements qui, par définition, doivent être spontanés et désintéressés ? Atttention à la bienpensance qui se profile dangeureusement.

Le risque de l’exploitation : Structurer sa contribution prosociale ne doit pas servir à justifier toutes tentative de manipulation abusive. Si, malgré cette clarification, votre environnement continue d’ignorer ou d’exploiter votre bonne volonté, c’est l’environnement qu’il faut questionner, pas votre gentillesse.

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Ce que nous enseigne la science

La psychologie prosociale nous révèle une vérité fondamentale sur la nature humaine : nous sommes câblés pour la coopération et l’entraide. Mais cette propension naturelle s’épanouit ou se flétrit selon le contexte organisationnel et relationnel dans lequel nous évoluons.

Favoriser la prosocialité au travail ne consiste donc pas à forcer les gens à être gentils, mais plutôt à créer les conditions dans lesquelles notre générosité naturelle peut s’exprimer : un environnement juste, respectueux, bienveillant, où l’on se sent valorisé et soutenu.

Structurer sa contribution prosociale, c’est lui donner la visibilité qu’elle mérite sans la dénaturer. C’est reconnaître que dans un monde professionnel qui mesure tout, ce qui n’est pas nommé risque d’être ignoré — même quand il représente la moitié de ce qui fait fonctionner réellement les organisations.

Car au fond, la gentillesse en entreprise n’est pas une contrainte morale qu’il faudrait imposer. C’est une ressource naturelle qu’il suffit de libérer en cultivant le bon climat. Une ressource qui, loin de s’épuiser quand on la partage, se démultiplie et enrichit tous ceux qui y puisent.

À condition, toutefois, que cette ressource soit reconnue, valorisée et protégée. Et cela commence par notre capacité à la nommer avec précision.

Ce texte s’appuie sur plus de quarante années de recherches scientifiques internationales en psychologie sociale, psychologie du travail et sciences de gestion, synthétisées dans plusieurs méta-analyses récentes portant sur des centaines d’études.

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