Pourquoi la gentillesse au travail est inconfortable et vous épuise

Professionnel gentil épuisé par la gentillesse au travail

La gentillesse au travail vous épuise ? Découvrez pourquoi c’est normal, les 3 inconforts cachés et comment vous protéger.

Je suis restée bloquée un long moment sur ce passage dans un livre consacré à la gentillesse : « La gratuité est le signe distinctif de la gentillesse. Il ne s’agit pas de s’en vouloir un jour d’avoir été altruiste ou généreux, voire même d’avoir eu l’impression d’être faible ».
[cliquez ici pour consulter : “Gentillesse mes fesses” de Franck Martin.]

Ce passage m’a interpellé, bousculé, contrarié et trotté dans la tête pendant plusieurs jours.

Je comprends son raisonnement ; et d’un point de vue philosophique, je ne peux qu’adhérer : nous ne pouvons pas nous en vouloir d’être altruiste, généreux et gentil. Ce serait un comble.

Et pourtant, je ne suis pas d’accord avec lui.

 

Parce que la vie au travail des personnes gentilles n’est pas si simple.

Parce que dans mon accompagnement des cadres, managers et dirigeants, je vois exactement l’inverse :

  • des personnes altruistes qui SE SENTENT faibles après avoir donné.
  • Conciliantes au point de S’EN VOULOIR de laisser trop de place aux autres.
  • Compatissantes jusqu’à PORTER LES DIFFICULTES de leur équipe en oubliant les leurs.
  • Modestes au point de PEINER à faire reconnaître leur valeur.
  • Confiantes dans leurs valeurs, mais incapables de poser des limites sans CULPABILISER.

Et ce n’est pas parce qu’elles sont fragiles ou mal dans leur peau. C’est parce que la gentillesse au travail n’est pas confortable. Elle soulève des questions sociologiques, personnelles et professionnelles profondes.

Les livres louent la gentillesse. Les formations en entreprise prônent la bienveillance. Et j’approuve.

Mais nous frôlons parfois la bienpensance. Car la réalité est plus complexe, plus subtile, et beaucoup moins lisse. Parlons-en vraiment.

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Le mythe de la gentillesse au travail : pourquoi c’est révoltant

Le discours dominant est clair : soyez gentils, bienveillants, à l’écoute. C’est valorisé, c’est moderne, c’est ce qu’attendent les nouvelles générations. Les entreprises multiplient les formations à la communication bienveillante, au management empathique, à l’intelligence émotionnelle.

Tout cela est louable. Sauf que ce discours s’adresse aux personnes qui ont besoin d’apprendre la bienveillance.

Pas à celles qui sont déjà naturellement gentilles.

Pour ces dernières — et vous en faites peut-être partie — l’enjeu n’est pas d’apprendre à donner davantage. C’est d’apprendre à ne PAS donner quand cela les épuise, les dévalorise ou les rend invisibles.

Et cela, personne ne vous l’enseigne.

Pire : quand vous exprimez votre épuisement, on vous renvoie à votre « manque d’assertivité », à votre « difficulté à poser des limites », comme si c’était un défaut à corriger. Comme si vous étiez responsable de ne pas savoir vous protéger.

Mais le problème n’est pas là. Le problème, c’est que la gentillesse authentique génère un inconfort réel que le discours lisse sur la bienveillance refuse de nommer.

Vous culpabilisez de souffrir de votre propre gentillesse. Vous vous demandez ce qui cloche chez vous. Vous lisez des livres de développement personnel qui vous expliquent que « tout est une question d’équilibre », sans jamais vous dire à quel point cet équilibre est difficile à trouver.

Alors, levons le voile. Parlons de ce que vous vivez vraiment.

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Les 3 inconforts de la gentillesse au travail que vous vivez en silence

Inconfort n°1 : Dire non sans briser la relation

Vous le savez déjà : dire non à quelqu’un qu’on apprécie, c’est inconfortable. Mais pour les personnes naturellement gentilles, cet inconfort est d’une intensité particulière.

Pourquoi ? Parce que votre gentillesse n’est pas une stratégie. Elle est congruente avec qui vous êtes. Vous donnez parce que cela vous vient naturellement, parce que vous êtes sensible aux besoins de l’autre, parce que vous avez à cœur de maintenir des relations harmonieuses.

Dire non, ce n’est donc pas simplement refuser une demande. C’est aller contre votre élan naturel. C’est accepter de créer une tension relationnelle là où vous auriez pu l’éviter. C’est tolérer la déception de l’autre, son incompréhension, parfois son ressentiment.

Et dans un environnement professionnel où les relations sont déjà complexes, cet inconfort est démultiplié.

Prenons un exemple concret : votre collègue vous demande de l’aide sur un dossier urgent. Vous êtes vous-même débordé, mais vous savez qu’il est en difficulté. Dire oui vous épuisera. Dire non vous mettra mal à l’aise pendant des jours.

Vous dites oui. Et vous vous en voulez.

Ce n’est pas de la faiblesse. C’est un arbitrage impossible entre deux inconforts : celui de vous épuiser ou celui de décevoir.

Le dilemme des gentils au travail

Inconfort n°2 : Quand poser des limites vous fait douter de qui vous êtes

Pour les personnes dont la gentillesse est une part centrale de leur identité, se modérer revient à se demander : « Qui suis-je si je ne donne plus ? »

C’est une question existentielle, pas une simple question de technique de communication.

Vous avez peut-être grandi en valorisant l’altruisme, le service rendu, l’attention à l’autre. Vous avez construit votre image de vous-même autour de ces valeurs. Votre entourage vous reconnaît comme « la personne sur qui on peut compter », « celle qui est toujours là ».

Poser des limites, c’est donc remettre en question cette identité.
C’est accepter de ne plus être « le gentil » ou « la gentille » dans toutes les situations. C’est tolérer l’idée que certains puissent vous trouver moins disponible, moins arrangeant, moins… vous.

Cet inconfort identitaire est rarement nommé dans les formations à l’assertivité. On vous explique comment dire non, mais on ne vous dit pas que dire non peut vous faire douter de qui vous êtes.

Et pourtant, c’est précisément ce doute qui rend si difficile la modération de votre gentillesse au travail.

Les trois inconforts de la gentillesse en milieu professionnel

Inconfort n°3 : Pourquoi votre gentillesse au travail dérange (vraiment)

Voici une vérité que peu de gens osent formuler : dans un environnement professionnel souvent transactionnel, la gratuité suscite la méfiance.

Votre gentillesse authentique dérange parce qu’elle ne rentre pas dans les codes habituels du monde du travail. Elle interroge : « Qu’est-ce qu’il ou elle veut vraiment ? » « Pourquoi fait-il/elle ça sans rien demander en retour ? »

Certains y verront de la manipulation. D’autres, de la naïveté. D’autres encore, une forme de faiblesse.

Et vous devez porter cet inconfort : celui d’être mal compris, mal interprété, parfois même soupçonné.

Cela ne signifie pas que vous devez renoncer à votre gentillesse. Mais cela signifie que vous devez accepter que tout le monde ne la comprendra pas, ni ne la valorisera.

Et que parfois, malgré vos intentions sincères, votre gentillesse sera retournée contre vous.

C’est injuste. C’est inconfortable. Et c’est une réalité à laquelle les personnes gentilles sont confrontées quotidiennement.

Les trois inconforts de la gentillesse en milieu professionnel
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Pourquoi modérer votre gentillesse au travail est plus dur qu’apprendre l’empathie

Vous avez probablement déjà assisté à des formations sur la communication, l’assertivité ou le management. Peut-être même avez-vous lu des dizaines de livres sur le sujet.

Et pourtant, vous n’arrivez toujours pas à « doser » votre gentillesse.

Ce n’est pas parce que vous manquez de volonté. C’est parce que modérer sa gentillesse est infiniment plus difficile qu’apprendre l’empathie.

Pourquoi ?

Parce qu’apprendre l’empathie, c’est développer une compétence nouvelle. C’est ajouter quelque chose à votre répertoire comportemental. C’est progresser vers quelque chose.

Modérer sa gentillesse, c’est l’inverse : c’est se retenir de faire ce qui vous vient naturellement.

C’est résister à un élan spontané. C’est accepter de ne pas agir selon vos valeurs profondes dans certaines situations. C’est tolérer l’inconfort de l’inaction là où votre nature vous pousserait à agir.

Prenons un exemple concret : un manager naturellement gentil qui doit refuser une demande de télétravail supplémentaire à un collaborateur qu’il sait en difficulté personnelle.

La gentillesse voudrait dire oui. La responsabilité managériale dit non.

Aucune technique de communication ne rendra ce « non » confortable. Parce que l’inconfort ne vient pas de la formulation. Il vient du conflit interne entre ce que vous êtes et ce que la situation exige.

Et c’est précisément pour cela que les personnes naturellement gentilles ont besoin d’un accompagnement différent de celui proposé dans les formations classiques.

Elles n’ont pas besoin d’apprendre la bienveillance. Elles ont besoin d’apprendre à se protéger et trouver leur équilibre.

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3 questions pour savoir si votre gentillesse au travail vous nuit

Plutôt que de vous donner des réponses toutes faites ou des techniques miracles, je vous propose de vous poser trois questions. Elles ne résoudront pas tout. Mais elles vous aideront à clarifier où vous en êtes.

Question 1 : À quel moment ma gentillesse devient-elle subie ?

Il existe une différence fondamentale entre gentillesse choisie et gentillesse subie.

La gentillesse choisie :

  • Vous donne de l’énergie, même si elle vous coûte du temps
  • Vous laisse en paix avec vous-même
  • S’inscrit dans vos priorités, même si elle implique un sacrifice

La gentillesse subie :

  • Génère du ressentiment silencieux
  • Vous épuise sans vous nourrir
  • Efface vos propres priorités

Ce n’est pas binaire. C’est un curseur. Et ce curseur bouge en fonction de votre état, de votre charge de travail, de votre énergie disponible.

Apprenez à repérer les signaux d’alarme : la fatigue qui ne passe pas, l’irritation sourde, le sentiment d’être utilisé.

Ces signaux ne sont pas des faiblesses. Ce sont des indicateurs précieux.

Question 2 : Quand est-ce ok de « perdre » ?

Parfois, donner procure plus de plaisir que recevoir. Et c’est légitime.

Vous pouvez choisir consciemment de consacrer du temps à aider un collègue, même si cela ne vous rapporte rien directement. Vous pouvez décider de prendre en charge une tâche ingrate parce que vous savez que cela soulagera l’équipe.

La nuance décisive : « Je choisis de donner » ≠ « Je ne peux pas faire autrement »

Si vous donnez parce que vous ne supportez pas l’idée de ne pas le faire, ce n’est plus un choix. C’est une contrainte interne.

Posez-vous régulièrement cette question : « Si je ne le faisais pas, que se passerait-il vraiment ? » Souvent, la réponse est : rien de catastrophique. Et cette prise de conscience peut vous libérer.

Question 3 : À quel moment dois-je me protéger ?

Il existe trois garde-fous pour savoir quand votre gentillesse au travail nécessite d’être modérée :

1. Quand votre énergie est compromise
Si donner vous épuise au point de ne plus pouvoir assurer vos missions essentielles, c’est un signal d’alerte.

2. Quand votre temps ne vous appartient plus
Si votre agenda est constamment dicté par les demandes des autres au détriment de vos propres priorités, vous perdez votre autonomie professionnelle.

3. Quand votre autorité professionnelle est érodée
Si votre gentillesse vous positionne comme « la personne corvéable » ou « celle qui dit toujours oui », vous perdez en crédibilité et en influence.

Ces trois conditions sont vos repères. Pas des règles absolues. Des repères pour naviguer dans la complexité.

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La gentillesse consciente : rester vous-même sans vous perdre

La gentillesse authentique n’est pas un chemin confortable. Elle ne le sera jamais complètement.

Parce qu’elle vous met face à des tensions réelles : entre donner et vous préserver, entre rester vous-même et poser des limites, entre être compris et être respecté.

Les livres qui vous promettent un équilibre facile vous mentent. Cet équilibre est subtil, mouvant, et demande une vigilance constante.

Mais voici ce que je sais après des années d’accompagnement : les personnes gentilles qui apprennent à se respecter ne perdent pas leur gentillesse. Elles la transforment en force consciente.

Elles ne renoncent pas à qui elles sont. Elles apprennent à doser, à choisir, à naviguer dans l’inconfort sans se trahir.

Elles acceptent que certains ne comprendront pas. Que dire non créera parfois des tensions. Que se protéger peut générer de l’inconfort.

Mais elles acceptent aussi que leur gentillesse mérite d’être protégée. Et que se protéger, ce n’est pas renier qui elles sont.

Ce n’est pas de la faiblesse de reconnaître que c’est difficile. C’est de la lucidité.

Et c’est précisément cette lucidité qui vous permettra de rester gentil… sans vous perdre.

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